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FO Bfc Cheminots

GRÈVE GÉNÉRALE DE MAI 1968 : Les mêmes causes devraient produire les mêmes effets.

GRÈVE GÉNÉRALE DE MAI 1968 : Les mêmes causes devraient produire les mêmes effets.

Les années 60 virent une course aux fusions de sociétés, restructurations, réorganisations, rationalisations du travail, augmentations des cadences .... avec une forte augmentation du chômage. Rien à envier à la multiplication actuelle des fermetures d’entreprises (Gandrange en Moselle début avril), aux « délocalisations », aux restructurations permanentes, à la remise en cause du Code du Travail ...

Il y a tout juste 40 ans, Robert DEGRIS, Secrétaire Général de notre fédération résumait ainsi les causes profondes de la grève générale de mai/juin 1968 : « Les salariés de tous âges, auxquels est refusée la part de la richesse nationale devant normalement leur revenir ... entendent mettre en cause le régime économique sur lequel est basée la société présente.

Cette société qu’ils contestent, ils veulent la remplacer par une autre, plus juste, répondant à leurs aspirations légitimes et leur apportant une nouvelle échelle des valeurs humaines, sociales, politiques ». 1

Ne pourrions-nous pas écrire la même chose aujourd’hui ?

En effet, la part de la richesse revenant aux salariés est en constante diminution : elle est passée de 68,7 % en 1982 à 58 % à l’heure actuelle.

Dans le même temps, on observe une « formidable » augmentation2 des profits des entreprises du CAC 40 - qui préfèrent distribuer des dividendes aux actionnaires plutôt que d’investir - et l’explosion3 des rémunérations des dirigeants.

Ce hold-up est le résultat de la politique de baisse continue du coût du travail pour les employeurs, engagée par les gouvernements successifs et inaugurée en mars 1983 par « le tournant de la rigueur »4 du gouvernement Mauroy. C’est ainsi que la SNCF qui réalise pourtant depuis 4 ans des résultats « historiques » 5 :

  • fait baisser continuellement le pouvoir d’achat de ses agents (il y a désormais des cheminots pauvres !)
  • détériore leurs conditions de travail (durcissement au Fret de la réglementation du travail, pourtant très « flexible » depuis les 35 heures, pression « managériale » ...),
  • veut les obliger à la mobilité, rogne sur tous leurs acquis sociaux...
  • collabore avec le gouvernement pour supprimer le régime de retraite.

Cette même Direction fait depuis des mois la sourde oreille aux revendications syndicales, s’attachant, tout au contraire à faire appliquer les siennes !

Elle ne veut considérer les Fédérations syndicales que comme ses porte-parole auprès des personnels : nous sommes ainsi en permanence invités à l’aider à « vaincre les résistances aux changements » (comme au FRET).

On ne peut s’empêcher de rapprocher cette situation de celle de nos camarades des années 64/68, dénonçant les « mascarades de négociations » salariales encadrées par les procédures Grégoire - Toutée : encadrement gouvernemental de la masse salariale globale et répartition des salaires par l’entreprise, moyennant des Contrats de Progrès, durant lesquels il ne pouvait pas y avoir de grève6 !

Toute ressemblance avec les actuels arbitrages salariaux de « Bercy » et l’instauration des DCI obligatoires avant dépôt de préavis, n’est pas fortuite !

Si l’histoire ne se répète pas, il est tout à fait envisageable que : les mêmes causes produisent les mêmes effets !

Nier la réalité, c’est à dire la séparation de la société en classes sociales ayant des intérêts différents et donc empêcher le libre jeu de la démocratie, à savoir le respect de l’expression syndicale indépendante, par la libre négociation (associée ou non à la grève) ... ne peut mener qu’à une crise sociale dont personne ne peut prévoir l’issue.

Seuls des apprentis sorciers et idéologues, sourds et aveugles, prisonniers des dogmes économiques européens, ne peuvent pas comprendre cela.

Cette cécité peut mener au ridicule. Comme l’affirmait M. Pierre VIANSSON-PONTÉ, éminent membre de l’élite de l’époque, éditorialiste du Monde, le 30 avril 1968, soit trois jours avant les premiers évènements : « La France s’ennuie » ! !

En ce qui nous concerne et si telle devenait la situation, nous choisirions bien sûr, comme nos anciens en 1968, le camp des salariés.

Il faut dire qu’ils en gardent un excellent souvenir !

« Le 13 mai 19687 ne fut qu’une étape ! Ce jour là, la classe ouvrière prit conscience de sa force, du potentiel de lutte qu’elle recelait en elle-même.

Et l’on vit alors se déclencher ce que la Fédération FO préconisait depuis fort longtemps en opposition aux inefficaces actions de 24 heures : une grève sans limite de durée, désirée profondément par les cheminots puisqu’elle émanait d’eux.

En quelques heures, la grève s’étendait ; la SNCF se trouvait totalement paralysée ... Rapidement, plusieurs millions de salariés arrêtèrent le travail, occupèrent usines, ateliers, magasins et bureaux ....

Pour la première fois, depuis très longtemps, se trouvèrent au coude à coude dans le combat, travailleurs manuels et intellectuels, salariés du secteur privé et agents des entreprises nationales, fonctionnaires et enseignants, cadres et personnel d’exécution. Ils étaient 9 Millions...... » (Robert DEGRIS dans « Le Rail syndicaliste »)

 

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Au lendemain du 13 mai, la grève des cheminots s’étendit spontanément, au triage de Badan près de Lyon (en réaction au licenciement de 2 auxiliaires), à Achères, Montrouge, Montparnasse, St Lazare ... : aucun préavis - au titre de la loi de 1963 - ne fut déposé.

Le 4 juin 1968, un protocole entre le Ministre des Transports et les Organisations Syndicales de la SNCF est présenté aux cheminots. Il comprend notamment :

-  Une augmentation générale des salaires de 13 % ;

-  L’abandon des « procédures Grégoire-Toutée » ;

-  Le relèvement des coefficients hiérarchiques des basses et moyennes échelles, permettant une augmentation supplémentaire entre 10,2% et 16% ;

-  Une nouvelle grille de rémunération ;

-  La baisse de la durée hebdomadaire du travail : passage de 46 à 44 h 30 ( 9 repos complémentaires par an pour les roulants .... ) ;

-  28 jours de congés pour les agents d’exécution (+ 2) et 24 (+ 3) pour les auxiliaires et les agents du CP à service discontinu ;

-  L’augmentation de 45 % de l’indemnité horaire de nuit ;

-  Une amélioration du droit syndical ;

-  Plein traitement lors des formations syndicales ;

-  Création des chèques congés syndicaux (les « AY ») ;

-  Libre circulation des représentants syndicaux accrédités...

Pour les roulants :

  • Suppression des coupures de nuit entre 23h00 et 5h00 ;
  • Retraites : attribution d’une bonification d’ancienneté pour les années passées à la conduite (1 mois par année de conduite au-delà de la 3ème année, avec un plafond de 20 mois) ;

Pour les retraités :

  • Une augmentation supplémentaire de 2,5% ;

Ajoutons qu’il n’y a eu aucune retenue pour faits de grève.

Mettant fin à la « mascarade de négociations » antérieure, la Grève Générale permit d’obtenir d’importantes avancées revendicatives.

Salaires, Retraites, Emplois, Sécurité Sociale, ... les grèves se multiplient, et pas seulement en France. La pression monte incontestablement.

Remarque importante :
C’est « à chaud » que les négociations de 1968 eurent lieu : et ce n’est qu’APRES avoir mesuré les propositions gouvernementales, à partir du 5 juin 1968, que les cheminots se déterminèrent démocratiquement dans leurs Assemblées Générales sur la reprise de travail. Rien à voir donc avec ce qui s’est passé en novembre dernier8 !

 

1.Editorial du Rail Syndicaliste de mai juin 1968 n°305/306
2.+ 110 % en 2003, + 40 % en 2004, + 50 % en 2005, + 30 % en 2006 ... etc
3.En 2004 les patrons du CAC 40 ont touché en moyenne 162 années de SMIC + l’équivalent de 204 années de SMIC sous forme de stock options !
4.Avec le blocage des salaires et la remise en cause de la loi du 11 février 1950 - acquise par l’action de FO - sur la liberté de négociations des conventions collectives
5.1,042 millions d’€ de résultats net du groupe en 2007 ... 2,8 fois plus qu’en 2006 !
6.Voir « FO chez les Cheminots » de Louis Botella et Gonzalo San Géroteo tome 2.
7.Appel FO, CGT, CFDT, CGC, FEN, FCPE, UNEF, à la grève interprofessionnelle et à manifestation : « Halte à la répression, Liberté, démocratie, Vive l’union des travailleurs et des étudiants »
8.Voir l’article de Philippe Ménard « La Bataille des retraites : comment la grève de novembre 2007 a été trahie ! » dans Le Rail Syndicaliste n°605 de janvier 2008.
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